Buppah Rahtree : Fantome en pleurs

Publié le par Boutigny Guillaume

BUPPAH RAHTREE 1 & 2

Thailande

2003 & 2004

Réalisateur : Yuthlert Sippapak

Avec : Cherman Poonyasark

Marre des fantomes de femmes aux cheveux longs et habillées en blanc ? Marre de cette déferlante asiatique sans originalité surfant sur le succès inexplicable de The Ring ? Buppah Rahtree est alors fait pour vous.

Le paysage cinématographique thailandais s'améliore de mois en mois, et ceci grace à de jeunes réalisateurs talentueux qui n'ont pas peur d'exploiter leurs idées. Yuthlert Sippapak est de cette race là, réalisant selon ses envies et jamais là où l'attend après son précédent film. C'est ainsi qu'apres le survolté Killer Tatto et le drame February l'homme nous sort le premier volet de Buppah Rahtree, une histoire mélant adroitement comique, drame, fantomes et sang.

Buppah Rahtree se retrouve enceinte et apprend que son petit ami ne couchait avec elle que par jeu. Désespérée elle se suicide. Mais alors que son corps est retrouvé sans vie dans son modeste appartement, son esprit semble ne pas vouloir quitter l'immeuble et hantant l'endroit sous forme d'un fantome défiguré. Pris de remords, son petit ami se présente à l'appartement, ignorant tout du drame, et la porte s'ouvre sur une Rahtree souriante.

Attention film culte ! Yuthlert Sippapak réussit ici une impossible mélange de genres. Sur fond d'une légende locale reprise par exemple dans le délicieux Nang Nak mais aussi dans Les Contes de la Lune Vague Apres la Pluie de Mizoguchi, le film se construit autour d'un assemblange osé. Pourtant le film ne fait que rarement dans la finesse, mais sans jamais porter atteinte à l'équilibre général, les scènes les plus dissenciables s'enchainent sur un rythme soutenu : parodie de l'exorciste de Friedkin, humour thailandais gras et lourd avec les lady boys obligatoires, mais aussi drame à tendance soap et soudain ambiance malsaine. Ces ruptures de ton font le charme du film, qui reste sous ses apparences un très efficaces film de fantome sans réels effets gores ou de surprises qui prend aux tripes grâce à un art savant de la mise en scene.

A cet effet une des scènes les plus marquantes de ce premier opus reste celle où, enfermée dans ses toilettes, Rahtree crie et pleure de toute sa rage. Et chaque locataire de l'immeuble a alors l'impression que la scène vient de leur propre cabinet de toilettes alors que des litres de sang coulent de sous les portes. Rahtree est elle alors un fantome pleureur ? Elle est surtout un fantome aux sentiments contradictoires entre vengeance et amour. Tiraillée entre son coté revenant et son coté humain. Une dualité qui sera reprise sous un forme similaire dans le second opus.

Tourné avec une pause d'un an pendant lequel Yuthlert Sippapak réalise la comédie policiere Pattaya Maniac, Buppah Rahtree 2 reprend peu de temps après le premier volet.

Rahtree et son ami vivent maintenant ensemble dans leur appartement. Mais l'arrivée d'une jeune femme aveugle va semer le trouble dans le couple puisque que le jeune homme va se retrouver attiré par cette nouvelle venue. Dans le meme temps un groupe de musiciens sans succès qui a braqué une banque s'installe aussi dans l'immeuble.

On ne change pas une recette qui gagne. Buppah Rahtree 2 reprend le déroulement du premier opus, mais se voit gratifier d'un style plus efficace grace à l'expérience nouvelle acquise entre temps par le réalisateur. Pourtant ce que le film gagne en vitalité formelle, il le perd en interet. Peut etre ce l'effet de répétition, peut etre est ce tout simplement la mauvaise gestion du rythme avec une partie d'horreur n'arrivant que dans la derniere partie, toujours est il que Buppah Rahtree 2 décoit. Et plait. Car malgré tout l'ensemble est attachant, et Yuthlert Sippapak fait montre d'une réelle maitrise technique, surtout lorsqu'il installe une tension palpable.

A milles lieues de Sadako, Buppah Rahtree est un très bon exemple de ce que la Thailande peut apporter au film de fantome. Un genre dans lequel le pays fait aujourd'hui office de challenger tant la production s'est developpée pour le meilleur et souvent le pire.

Publié dans Hors Japon

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